Kenji Fujimoto, le cuisinier du dictateur

Bien souvent les témoignages de la Corée du Nord datant des années 90 sont ceux du peuple ayant voulu échapper à la famine. La particularité de ce rare ouvrage est que ce témoignage est celle d'un cuisinier japonais, Kenji Fujimoto, qui a travaillé pour la famille royale de Kim Jong-il et de leurs proches pendant 13 ans, et qui, aux yeux du gouvernement a commis un crime plus important puisqu'il a dévoilé la vie privée du dirigeant qui devait rester secrète.
Tout a commencé en juin 1982, lorsqu'il reçut un appel de l'association des cuisiniers d'Itabashi à Tokyo pour lui demander de travailler comme maître souchis en Corée du Nord, au restaurant Asangwan, à Pyongyang pour l'équivalent de 4 000€ par mois pour une durée d'un an. Il accepte, malgré les craintes de sa famille, et retourne au Japon après la fin de son contrat. Malgré une certaine crainte ressentie par l'aspect militaire du pays, son voyage se déroule sans encombre et une fête de bienvenue est organisée. En dehors de son restaurant, Kim Il-sung et Kim Jong-il faisaient appel à ses services en privé. Après il retourna travailler au Japon de 1983 à 1987, puis retourne, à sa demande, travailler en Corée du Nord pour 3 ans. Très vite, il a sympathisé avec Kim Jong-il qui lui donne des pourboires équivalent à son salaire, l'invité à jouer aux cartes et lui offre une Mercedes V450.

En 1988, la fin de son contrat approche et kim Jong-Il lui propose de rester en Corée du Nord en échange d'un salaire de 50 000 yens, d'un restaurant en plus d'autres avantages comme celui de garder 100% des bénéfices, (où les autres restaurants doivent donner 70% de leurs bénéfices). Puis en rentrant au Japon il fêta son retour, bu et se laissa aller à quelques confidences sur sa surveillance en Corée du Nord, et sa proximité avec Kim Jong-il. Puis un mois plus tard, lorsqu'il retourne en Corée du Nord il est contraint de rédiger une lettre d'excuse au dirigeant dans laquelle en signe d'excuse, il s'engage à rester pour cinq ans dans le pays. Lors de spectacles de chants et de boxe, Kim Jong-Il lui présente Om Jong Nyo, qui sera sa future femme et qui sera utilisé par le dirigeant pour contraindre Kenji à divorcer de sa femme au Japon et remettre son passeport aux autorités coréennes, ce qui fera de lui "un prisonnier" de la Corée du Nord. Toutefois, ayant les faveurs du dirigeant, il sera logé avec sa nouvelle femme coréenne dans un très bel appartement. Dès lors Kenji ne sera plus seulement le cuisinier du dirigeant, il sera également un ami proche (ce qui paraît presque incroyable étant donné que Kenji est japonais et que le Japon est avec les USA, les plus proches ennemis de la Corée du Nord). À cet instant Kenji sera invité à tous les événements organisés par le dirigeant : soirée arrosés, parties de pêche, parties de chasse, jet ski, balade en famille, sport...) et sera invité à passer des journées dans les résidences du dirigeant présentes un peu partout sur le territoire coréen. Il aura même la possibilité d'uriner avec le dirigeant dans la même toilette. L'auteur dira lui-même "Je vivais dans un monde à part dont je trouvais étrange d'en faire partie". Kenji Fujimoto reconnaît que le dirigeant savait prendre soin de ses proches qu'il couvre de cadeaux et de faveurs. Kim pouvait également se montrer capricieux et lunatique. En 1991, Kim Jong-il avait une fois défié Kenji à une course de jet ski et il perdit. Le fleuve Yalou était le fleuve où s'était déroulé la course de jet ski, et c'est par ce même fleuve relié à la Chine que traverse les Nord-coréens qui veulent fuir le régime et qui pour eux n'a rien d'une partie de plaisir. Cette période coïncide avec la décennie durant laquelle le peuple de Corée du Nord connu une grande famille. Le leader déçu d'avoir perdu contre son cuisinier le défia quelques temps plus tard mais en ayant cette fois ci un jet ski plus puissant, afin de remporter la course. En réalité, Kim Jong-il était à la fois envieux, jaloux et admiratif de Kenji qui avait une silhouette sportive et il était doué dans tous les sports qu'il pratiquait avec Kim Jong-il, alors que ce dernier avait de l'embonpoint, et été habitué à ce que ses adversaires le laissent gagner pour ne pas lui déplaire ou le mettre en colère.
Le seul domaine ou
Kim Jong-il était meilleur que son cuisinier était lors de leur
partie de tir au pistolet (des browning 45) qui s'explique pour deux
raisons :
-les armes sont prohibé au Japon, d'où le manque
d'expérience de l'auteur,
- les cibles des stands de tir
représentent des soldats japonais, ce qui explique l'inconfort de
Kenji.
Un jour une opportunité incroyable c'est présenté à lui. Le dirigeant lui propose de partir à Macao avec sa femme Om Jong Nyo, pour jouer aux machines à sous. C'était déjà un grand honneur de quitter le pays, mais encore plus pour des vacances et cette fois, sans surveillance. A cette époque-là l'auteur se dit encore trop heureux pour quitter la Corée du Nord. Aujourd'hui, il regrette de ne pas avoir saisi l'occasion pour fuir avec sa femme, mais il ne savait pas si elle était prête à abandonner sa famille (lorsqu'il quitte le pays, elle ne fut pas avec lui). En 1996, alors qu'il était à l'aéroport de Narita avec un Nord-coréen qui avait en sa possession un faux passeport, Kenji fut arrêté pour motif d'avoir aidé un Nord-coréen à s'introduire au Japon, ce qui constitue une violation de la loi sur l'immigration. Il subit un interrogatoire durant 20 mois, avec interdiction de quitter le territoire japonais. A chaque question que le policier lui demandait "Comptait vous retourner en Corée du Nord" Kenji répond "Oui" et justifiait son choix par "Je n'ai rien fait d'illégal, pas de travail au Japon" mais il comprit qu'il ne serait pas tranquille tant qu'il ne signerait pas un document attestant qu'il ne retournerait pas en Corée du Nord. Quarante jours après sa libération, il trouve un travail dans un hôtel sur l'île d'Ishigaki. Il semblait être touché par une dépression, il n'avait plus la même vie qu'en Corée du Nord, mais cela lui passe vite et il retrouve une vie normale au Japon sur l'île d'Okinawa et s'était fait des compagnons avec qui jouer au golf, boire et s'amuser. Tous les 6 mois, il changeait de travail et de lieu de résidence pour éviter d'être retrouvé par un agent de Corée du Nord. Il fut néanmoins retrouvé, mais l'agent fut arrêté par la police japonaise. Un sentiment étrange a envahi l'auteur, celui d'être reconnaissant aux autorités japonaises pour sa protection, la fatigue d'être continuellement en mouvement et l'envie de retourner en Corée. En 1998, il n'était plus surveillé et protégé par la police japonaise. Il partit en Chine afin de regagner la Corée du Nord depuis un aéroport chinois, et repris sa vie et ses habitudes en Corée du Nord comme si rien n'avait changé, du moins en apparence. A son retour, il fut constamment surveillé plus intensément que d'habitude. Un jour qu'il était en Chine, il a appelé un inspecteur de Tokyo pour avoir des nouvelles de sa famille mais cet échange téléphonique a été perçu comme un appel secret de Kenji visant à porter préjudice à Kim Jong-il. Bien qu'il réussît à convaincre l'inspecteur de Corée du Nord qu'il n'était pas un espion, des suspicions ont persisté et il fut assigné à résidence pendant 1 an et 6 mois, avec interdiction de retourner au Japon. Il fut disgracié et ne fut plus invité aux soirées et anniversaires organisés par le dirigeant. Durant trois mois Kenji n'arrivait pas à dormir et avait peur d'être en état d'arrestation, à tout moment. Au bout d'un an Kim Jong-il le reprit à ses côtés. Heureusement pour lui, grâce à Ko Young Hui. C'est également grâce à elle qu'il fut autorisé après deux ans à retourner au Japon voire sa famille et il se posait la question s'il fallait qu'il reste en Corée où rester au Japon ? Il prit la décision de rentrer au Japon malgré que sa relation avec Kim Jong-il était redevenu comme avant la suspicion d'espionnage, il y avait toujours cette épée de damoclès au dessus de lui. Mais ce n'est que le 23 avril 2001 et non en 2000 comme il l'avait prévu, car une chute de cheval l'avait blessé, ce qui a retardé son départ.
