Cyrano, Confucius et moi

29/12/2022

Témoignage intéressant de Chunyan Li (ou Juliette) une jeune femme née en 1979, dans un village pauvre de Chine, dans la province du Shandong. Les villageois vivent d'une activité agricole et de pêche puisque c'est une terre qualifiée de "poisson et de riz". Son parcours est assez atypique puisqu'en plus d'être née en étant une fille dans un village où les hommes sont préférés puisqu'ils ont une meilleure condition physique pour le travail manuel, elle est aussi issue d'une famille précaire. Pourtant, malgré le fait qu'elle n'appartient pas à une famille très instruite et aisée, Chunyan va réussir à faire ses études supérieures en France dans la prestigieuse école des hautes études de commerce (HEC), en 2003.

Sa naissance est amusante, elle est née au printemps, une saison perçue comme la renaissance d'une nouvelle saison qui apporte aux villageois l'espoir d'une récolte abondante pour l'année à venir. Étant donné que la prospérité du village dépend d'une bonne récolte, d'autant plus que sa famille a été traumatisé par les famines de Mao en 1959 et 1961. Lors de sa naissance son père a aperçu des hirondelles à la fenêtre ce qui lui a donné l'idée de l'appeler Chŭn, printemps en chinois et yãn qui signifie hirondelle. Ce qui a donné le nom de Chunyan : hirondelles du printemps. (Note personnelle : Cela fait penser à une naissance divine telles que l'on peut en retrouver dans les mythologies asiatiques du style : "À sa naissance les hirondelles sont venues saluer le divin enfant enveloppé par le soleil du printemps, les bourgeons des fleurs ont éclos et les récoltes furent abondantes").

 
Elle nous parle de sa famille et de son mode de vie au village. Sa mère est presque analphabète, elle s'occupe de l'élevage et du travail des champs un métier pénible. Son père est menuisier, il s'est montré brillant pour les études secondaires. Chunyan tient sans aucun doute possible de son père comme va le confirmer son goût pour la lecture. Mais son père étant petit-fils d'un partisan de Chiang kai-shek c'est sans doute pour cela qu'il n'est pas considéré comme faisant partie des privilégiés pouvant disposer d'un passe droit pour continuer ses études supérieures. La base de leur alimentation est principalement composé de riz et de légumes. La viande vendu au marché est trop cher (sauf le porc les jours de fêtes) et le poisson c'est une fois par mois. Dans leur foyer pas d'eau courante ni d'électricité. Cette vie difficile va convaincre ses parents à pousser leur fille à suivre des études comme étant une nécessité absolue puisqu'en Chine réussir ses études permet un meilleur niveau de vie, un plus grand confort puisque même les soins sont un luxe. Chunyan prend conscience du sacrifice de ses parents lorsque sa mère lui achète un cahier de calligraphie hors de prix en comparaison des revenus de la famille, cela dans l'objectif de lui permettre de réussir ses études dans les meilleures dispositions. Chunyan devient la meilleure élève de sa classe jusqu'à son arrivée au lycée où la compétition devient beaucoup plus difficile mais pour autant elle n'abandonne pas et se montre très exigeante envers elle-même pour intégrer une précieuse université de Beida, à Pékin (équivalent d'Oxford en Europe). Ses parents vont toujours la soutenir dans son parcours et l'encourager, ils ont une grande confiance en leur fille. Pour cela la petite hirondelle de printemps n'hésite pas à sacrifier sa vie sociale : pas de sortie entre amis, pas de loisirs, plus de lecture, juste l'apprentissage à outrance pour réussir le concours d'entrée super sélectif à l'université au point qu'elle ne dors que 5h par nuit. (Note personnelle : Cela donne l'image caricaturale des reportages que l'on peut voir sur "effet papillon" quand est traité un sujet sur le système scolaire en Chine où en Corée. Une adolescence sacrifié dans l'espoir non assuré d'un avenir meilleur). Une compétition malsaine mais Chunyan n'a pas le choix, elle veut faire taire les mauvaises langues de son village qui la dénigre parce que c'est une fille ce qui sous entend moins compétente que les garçons. Chunyan voie sa réussite comme une revanche sur les difficultés de sa vie. Toutefois, arrivée à l'université elle a plus de temps libre et pratique des activités des jeunes de son âge et profité de la vie en pratiquant des activités qu'elle n'a pas réalisé au lycée, ce qui lui permet de rattraper le temps perdu.


C'est en découvrant la littérature française et des personnages telle que Cosette des Misérables, qui ont connu l'adversité que Chunyan va se reconnaître et s'identifie à eux. C'est pour cela que la France est le pays de cœur dans lequel elle a voulue vivre. Arrivée à l'université elle choisi d'apprendre la langue et la littérature française (avec option commerce international). En étudiant cette langue pour la première fois Chunyan est découragé, la phonétique est très complexe pour les chinois et les mots féminin et masculin incompréhensible : pourquoi une et pas un baguette ? Lors de sa dernière année universitaire elle apprend qu'elle peut partir étudier en France et même décrocher une bourse d'étude, c'est l'opportunité de ne plus dépendre financièrement de ses parents. Avant son arrivée en France, elle a effectué divers petits emplois comme traductrice ou accompagnatrice pour des visites guidées de français en voyage. Ses activités lui on permis de rencontrer deux hommes : un chinois Kun et un français, Dominique. Deux ruptures amoureuses qui vont laisser des traces. Le premier ne croit pas en une relation à distance et le second entretien une double relation amoureuse. Elle rencontre un autre français du nom d'Antoine avec qui elle a souhaité rester ami, mais ayant été trop inssistant à vouloir passer une toride nuit d'amour avec elle, Chunyan va mettre fin à leur amitié.


En 2003, malgré l'épidémie de Sras Chunyan réussie l'examen d'entrée et l'entretien pour entrer à HEC et pars pour le pays de Molière où elle débarque le 16 septembre 2003 avec trois amis chinois : Gang, Mei, Hua.


À son arrivée à Paris elle est un peu décontenancé par ce qu'elle voit. Elle pense trouver une capitale raffinée et elle tombe sur un Paris à l'humour beauf, ou au moment d'une vidéo de présentation à l'université elle voit un étudiant s'asseoir sur l'imprimante pour photographier ses fesses. Une autre fois elle interpelle une femme âgé pour demander de l'aide pour trouver son chemin en disant "Excusez-moi où se trouve" et la femme lui coupe la parole en lui précisant qu'en France avant de poser une question on commence par dire bonjour. Elle fait aussi face à des clichés parfois amusant parfois agaçant. Sous prétexte qu'elle est chinoise, français et autres étudiants étrangers pensent que pour Chunyan le ping pong et les arts-martiaux sont des sports qu'elle maîtrise à la perfection limite depuis la naissance comme si elle avait ça dans le sang parce qu'elle est chinoise. Or, elle ne s'est jamais intéressée à ces sports. Une autre fois lors d'un cours de confection de collier son professeur à sous-entendu que les chinois ne savent que copier ce que les autres ont créé. Alors Chunyan lui explique qu'elle veut juste prendre modèle sur ce qui existe déjà et qu'il n'est pas rare en Chine que des innovations sont créé sur des modèles déjà existant pour être ensuite innover.


Parfois on lieu des confusions mutuelles: les français ne comprennent pas pourquoi les chinois restent entre eux, et les chinois ne comprennent pas pourquoi les français ne viennent pas vers eux. Pourtant cela n'empêche pas Chunyan d'avoir des amis français des deux sexes de sa promotion. Elle rencontre même Louis, un français qui est le véritable prince charmant dont-elle rêve, doux romantique, affectueux et cultivé. C'est avec lui qu'elle va passer sa première nuit d'amour inoubliable (sans doute parce que comme le dit l'auteur ça n'a pas duré plus de 5 minutes. Comment oublier une telle déception ?). Le pire reste le ressentiments qu'on les parents de Louis concernant sa dulcinée. On peut presque croire à un sketch lorsque la mère de Louis demande à Chunyan "Que penses-tu du parti communiste ?".


Ils croient que Chunyan est communiste, Louis qui est sous l'influence de sa mère décide de rompre pensant qu'il ne peut pas vivre avec elle en Chine car c'est une dictature, et pense que Chunyan est une espionne à la solde de la Chine. Cela semble tellement ridicule que c'est sans doute un prétexte pour signifier que ses parents ne sont pas ouvert à cette relation puisque étant issue d'une famille pauvre et lui issu de la bourgeoisie ses parents on perçu Chunyan comme une croqueuse de diamants. La vie amoureuse de Chunyan sera catastrophique pourtant elle a très bien comprise comment fonctionne le flirt et la séduction à la française. Quant un prétendant ne lui plaît pas elle ne manque pas d'humour assez fin. Un poissonnier va lui dire "Le cabillaud est à -30% avec moi en cadeau", sa réponse "Dans ce cas je vais prendre les coquilles Saint-Jacques". Un autre rencontré sur un site de rencontre dont la photo de profil contraste comme le jour est la nuit dans la réalité. Il se défend en expliquant avoir retouché un peu la photo avec photoshop ayant quelques notions. Ce à quoi elle répond "Quelques notions. Non ! Tu dois vraiment être un expert". Une autre fois elle se rend au commissariat pour le vol de son téléphone et le policier lui demande si elle accepte d'aller boire un café. Ce à quoi elle répond "Je vous invite à boire un café si vous retrouvez mon téléphone".
Bien que son quotidien soit très parisien : métro, boulot, dodo. Chunyan apprécie prendre le métro et rencontre toutes sortes de spécimen qui n'existe pas en Chine: des futurs mariés déguisés dans le métro pour leur enterrement de vie de garçon, des poètes qui lisent et vendent leurs poèmes dans le métro, rencontre des compatriotes chinois avec qui elle peut converser dans sa langue natale. L'ambiance détendu du vendredi soir où les passagers décompresent de leur semaine et sont heureux de retrouver des amis le soir... Chunyan prend goût à l'art de vivre à la française et maîtrise les 11 commandements du mode de vie parisien comme le fait d'être toujours pressé la semaine en ayant un emploi du temps de ministre et le week-end vivre au ralenti sans pour autant respecter la signalisation des feux tricolores pour piétons. Où répondre aux parisiens que la plus belle ville du monde est Paris pour flatter leur ego et que la plus belle avenue est celle des Champs Élysée même si les parisiens ne la fréquente pas car trop touristique. Leur habitude de parler de tout et de rien mais surtout d'avoir un avis sur tout. La haine mutuelle des parisiens pour les provinciaux que ces derniers leur rendent bien. Chunyan va affirmé être devenue plus bavarde depuis son arrivée en France. Bien qu'elle ressent être acceptée en France elle a la sensation de ne pas y appartenir (Note personnelle : c'est normal elle n'est pas native du pays et sera toujours une étrangère pour la France au même titre qu'un français en Chine). En 2010, sa solitude lui pèse et elle déprime de ne pas rencontrer l'amour. De plus, lors de son retour en Chine en 2011 pour le mariage de sa sœur cadette Haiyan, leur mère craint que sa fille aînée ne soit une "sheng nu" (femme laissé de côté), soucieuse des commérages des voisins. Le pire sera en 2014 où de retour en Chine pour rendre visite à sa famille sa mère et elle vont se disputer. Un de ses compatriote chinois du nom de Tao va vouloir la séduire et va se monter direct en lui disant "Je ne veux pas que la future mère de mon enfant accouche après 40 ans", Chunyan a déjà 35 ans en 2014 (note personnelle : scientifiquement à 40 ans et plus les risques de trisomie à la naissance de l'enfant sont plus importants).


Chunyan envisage pendant un temps de rentrer en Chine où ce serait plus aisé pour elle de fonder une famille. Sans explication vraiment concrètes elle décide de renoncer pour rester en France. D'un côté elle reconnaît que ce serait plus facile pour elle de s'intégrer dans le domaine professionnel et de fonder une famille en Chine, mais d'un autre côté quitter la France lui donne l'impression que ce serait un échec. Pourtant, en France aussi dans son travail elle est amené à être stigmatisé à la fois parce que c'est une femme et aussi parce qu'elle est chinoise. Un de ses collègues de travail a refusé qu'elle fasse une présentation pour des clients pour prétexte qu'elle "n'est pas prête".


Elle est parfois décontenancé entre les différences culturelles entre la Chine et la France surtout dans le domaine professionnel. En Chine des cosmétiques sont vendus pour avoir la peau blanche symbole d'une vie aisée puisque le bronzage rappelle le travail des champs des paysans et un danger pour l'épiderme dû au cancer de la peau. En France c'est l'inverse, ne pas être bronzé signifie ne pas avoir les moyens d'aller en vacance. Des produits de beautés en France font la promotion des auto-bronzants. Les français qu'elle côtoie se montre aussi curieux et interrogatif sur les habitudes des chinois: un collègue demande pourquoi les chinois boivent de l'eau chaude ? Et une autre lui demande pourquoi elle dit toujours oui même quand elle ne comprend pas la question. Parfois certaines explications apportent d'avantages d'interrogations. Pour le oui, Chunyan répond que ce oui est aussi une façon de dire "Je vous écoute", alors sa collègue lui conseil de ne plus dire oui si elle n'a pas compris, ce à quoi Chunyan répond... "oui" que son interlocutrice accueil de manière dubitative.


Après avoir terminé ses études d'HEC, Chunyan décide de trouver un travail afin de pouvoir obtenir un visa travail lui permettant de rester en France avec l'espoir de gagner beaucoup d'argent pour venir en aide à sa famille resté en Chine. Elle doit aussi trouver un logement. Trouver un appartement sur Paris semble plus compliqué que de trouver un travail, mais elle parvient à en trouver un. Pour son emploi elle est consultante dans un open-space (un métier parasite qui ne produit pas de richesse mais dont-elle semble d'accord avec Sarkozy et son slogan de campagne "travailler plus pour gagner plus" et fait la morale aux français qui dénoncent une tentative séduisante d'exploitation. Elle se pose la question de comment produire des richesses si on ne travaille pas plus ? Bonne question quand on sait que le métier de consultant est un bulshit-job).


Un jour, place de la Bastille Chunyan se retrouve face à une manifestation de la gay pride. Elle ne comprend pas que la manifestation est joyeuse et festive. Comme c'est une manifestation les manifestants devraient avoir un air sévère et grave. En Chine, la seule manifestation à laquelle elle a participé est celle 1999, lors d'une attaque sur l'ambassade chinoise à Belgrade en Serbie. En France, tout est prétexte à manifester, parfois sans réfléchir comme lors des manifestations pro-tibet en 2008 accusant la Chine de dictature alors que le Tibet pratique l'esclave et la torture. Elle reproche aux français un manque de discernement en faisant un amalgame entre le gouvernement, la Chine et le peuple. Chunyan critique beaucoup les français et les dépeint comme des râleurs toujours insatisfait trouvant toujours matière à se plaindre, passant beaucoup de temps à réfléchir aux actions qui peuvent être fait sans vraiment agir et perçoit se trait de caractère comme le mode de vie à part entière des français. (Note personnelle : en critiquant elle même assez régulièrement les français et la France cela montre que Chunyan s'est finalement francisé en ayant adopté ce trait de caractère).


Cependant, notre hirondelle de printemps sait aussi se montrer critique envers son pays. Après 6 ans passé en France elle a accepté de servir de guide pour des hommes d'affaires chinois en visite à Paris. Ils se sont montré assez arrogants sous prétexte qu'ils ont de l'argent. Chunyan déplore que le développement économique rapide de la Chine ne se soit pas développé en parallèle des bonnes manières. Un point commun avec certains parisiens. D'ailleurs si la France et la Chine ont des divergences ils ont aussi des convergences. En effet, en Chine comme en France l'art de la table est très important il renforce les liens sociaux. (Note personnelle : Charles Maurice de Talleyrand disait qu'un repas est ce qu'il y a de mieux pour délier les langues).


Aujourd'hui Chunyan Li vit toujours en France où elle a depuis 2014 fondé sa société de consulting et reste célibataire. Elle a réussi professionnellement au détriment d'une vie de famille. Certains hommes et femmes pensent qu'une femme peut faire sa vie sans forcément avoir des enfants et être accompli professionnellement. Ça c'est effectivement une idéologie. Mais il reste cependant l'aspect naturel selon laquelle par nature même pour une femme la seule façon de ressentir un réel accomplissement est celui de donner naissance et d'être mère. Finalement, la nature prônera toujours sur l'idéologie quoi qu'on en dit. Même Chunyan Li n'est pas honnête avec elle même. Elle prétend que fonder une famille reste secondaire si elle n'est pas heureuse. Pourtant, c'est le fait de ne pas avoir réussi à en fonder une qui l'a rendu malheuse. Elle a été trop exigeante et c'est ce que sa mère et les habitants de son village lui on reproché. Même 50% de son livre repose sur des amours brisé à la recherche perpétuelle de l'amour. Ne voulant reconnaître l'échec par fierté et orgueil elle préfère se rassurer en essayant de se convaincre que c'est mieux d'être seul si on n'a pas trouver le bon partenaire. Le problème n'est pas qu'elle aurait dû prendre le premier venu, le problème c'est qu'elle a été trop exigeante sur l'homme de ses rêve en comparaison de son propre niveau. Par conséquent, elle est devenue une femme perdue (proverbe chinois : 剩女).
Un peu d'humour 🤣🤣🤣
© 2020 blog d'histoire et de littérature
Optimisé par Webnode
Créez votre site web gratuitement ! Ce site internet a été réalisé avec Webnode. Créez le votre gratuitement aujourd'hui ! Commencer